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Jusqu'au début XXe, la coutume l'hiver est d'aller après le souper dans la cuisine, près de l'immense cheminée ornée d'un pare-feu en toile bleue. Le Baron sur son petit archibanc en bois de hêtre. Les autres (domestiques et maîtres, enfants, chats, époux, anciens) s'assoient à leur gré au « cantou del foc ». On blague, on parle fêtes, semailles, bêtes, mariages. Pas de FB, pas d'iPad pour les gosses, pas d'Ehpad pour les vieux ; on vit ensemble.

Vers 1926, quand M. le Baron voit de son salon un couple de Breguet 14 (un fragile biplan en bois, alu et toile) survoler le Canal du midi vers Narbonne-Barcelone-Gibraltar-Casablanca, il ignore que les deux pilotes sont Saint-Ex et Mermoz. Mais de sa fenêtre, il salue le courage de ces laboureurs du ciel.

Vers 1930, un métayer menant 20 ha verse au propriétaire 1/2 récolte = 10 tonnes de blé (rendement 10 qtx à l’ha). C'est beaucoup mais tout est fourni + le métayer est libre de s’organiser à sa guise, sans régisseur. La saison céréalière débute en octobre : chaque jour, pour aller préparer le sol (labour, bris des mottes, creusement des sillons), faut harnacher puis atteler les deux paisibles bœufs gascons. En veillant qu'ils ne piétinent pas un nid souterrain de guêpes sans quoi ils sont affolés et se cavalent à l'autre bout du champ !

   En 1939, un demi-million d’Espagnols épris d’idéaux républicains fuirent le franquisme (La Retirada) et se réfugièrent en Occitanie, alors zone libre. Le château de Soupex étant à l’abandon, on y fit squatter cinq ou six familles. A la précarité s’ajouta de l’insécurité quand, fin 1942, arriva la Wehrmacht. Mais la solidarité rurale fut sans faille: aucune arrestation jusqu’à l’armistice.​

   In early 1939, half a million Republican civilians crossed the border to avoid the fascist government declared by the General Franco ( The Retirada). They took refuge in the South of France, in the free zone of Occitania. In Lauragais, the castle of Soupex being in dereliction, five or six families squatted there. To the precariousness of existence was added insecurity when, at the end of 1942, the Wehrmacht came. Under the German occupation, thousands of exiles perished in the Nazi gas chambers .But in Soupex, the rural solidarity was without flaw: no arrest until the Liberation in 1944.

Jusque vers 1950, le 16 août est jour de fête pour les bœufs garonnais aux cornes peintes en bleu. Lavés, brossés, étrillés, le joug décoré d'épis et de fleurs, ils vont crânement des métairies du château jusqu'au seuil de l’église romane. Et on les bénit devant la statue en bois polychrome de Saint Roch.

 

Vers 1950 débute la révolution agricole. Le tracteur ridiculise les boeufs, la moissonneuse-batteuse congédie la paysannerie. Le monde ancestral est balayé. En une dizaine d'années, tout le bocage lauragais est atomisé : nul obstacle aux « poum-poum ». Effacés les talus, les fossés, les réseaux de taillis et de haies, les petits chemins, les alignements d'arbres et d'arbustes sauvages ou fruitiers. Autour de Soupex comme ailleurs, le remembrement, à un parcellaire d'une incroyable complexité fait de milliers de parcelles parfois minuscules (qq ares), impose la ... beauté plastique des openfields.

 

En 1952, la Mairie acquiert la moitié du château et pendant 50 ans, l'écurie sert de salle des fêtes. On y joue très régulièrement et passionnément au loto, avec des grains de maïs et des grigris (fers, trèfles, médailles, pattes) à côté des cartons. Et parfois le gros lot est un cheval qu'il faut ramener chez soi...

Le grand vitrailliste René Guérin, dont la dernière création (2009) fut la verrière « Marie, Porte du ciel » dans la cathédrale de Chartres, réalisa à trente ans ses tout premiers vitraux (1959) dans l’église Saint-Martin de Soupex. Il y réalisa les trois fenêtres du chœur en  dalles de verre, technique qu’il avait apprise à l’abbaye d’En Calcat (Tarn, France) en 1954-58 auprès du père bénédictin Ephrem Socard.

The famous master glassmaker Henri Guerin, whose latest creation (2009) was the window "Mary Gate of Heaven" in the cathedral of Chartres, has made his first stained glass windows (1959) at St. Martin's Church, adjoining the castle of Soupex. H. Guerin achieved the three windows of the choir. He learned the technique at the Abbey of En Calcat (Tarn, France) in 1954-1958 years with the Benedictine Father Ephrem Socard.

Vers 1960, le chant du marteau sur l'enclume s'éteint. Plus de charrues à forger. Ni (pour rendre service) de dents à arracher. L'activité de ferrage des vaches, bœufs, chevaux, cesse. Au mur, les anneaux d'attache des bêtes rouillent. Le forgeron n'a plus que le vélo du facteur à réparer régulièrement.

En 1972, le château entre dans la littérature de jeunesse. Noguès le rêve et ressuscite son seigneur occitan +/- cathare : Guilhem Arnal de Soupex. Tiré à 2,5 millions d’exemplaires, lu, étudié, par des générations d’écoliers, "Le Faucon déniché" est la référence du genre. Et pour impulser l'acte d'achat, on prie les illustrateurs de métamorphoser le château... en féerie de pierres.​

 

Pendant des décennies, le château de Soupex va avoir le privilège d'exister dans la tête de centaines de milliers d'ex écoliers poussés à se l'imaginer pour pouvoir suivre en classe l'histoire du Faucon déniché (J.-C. Noguès, 1972). Ainsi, ce bâtiment du XIIIe fut une infinité de fois rêvé, recomposé, visité mentalement par des gamins s'initiant aux délices de la fiction littéraire.

Depuis 1976, c'est au 4e RE de Castelnaudary qu'une recrue d'Aubagne fait ses 4 mois d'instruction, le premier à la ferme "Bel-Air". Du château, elle est visible. Là-bas, les exercices sont impitoyables. Après les 4 semaines, on remet (parfois sur la place de Soupex) aux 2/3 qui restent, leur képi blanc.

 

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